SODI-IVIDIL
Imaginez qu'on laisse tomber une goutte de colorant rouge dans un verre d'eau. Que se passe-t-il? Dans un premier temps, on voit la goutte rouge, bien distincte, dans l'eau. Puis, un voile rouge se forme jusqu'à ce que l'eau tout entière devienne rougeâtre.
Ce processus, appelé diffusion, déclenche un mouvement aléatoire et continu des molécules dans un liquide ou un mélange gazeux et provoque certaines tendances dans le déplacement des molécules. Les molécules transitent, notamment, d'une zone à forte concentration vers une zone à faible concentration, ou d'une zone chaude vers une zone plus froide. (Sans ce processus de diffusion, les appareils de chauffage ne seraient pas aussi efficaces l'hiver).
On appelle thermodiffusion la diffusion provoquée par la température. Lorsqu'un mélange liquide contient un gradient de température (dans ce cas, ce sont des températures au lieu de couleurs qui se trouvent aux extrémités du spectre), il se produit un phénomène qu'on désigne « effet de Soret ». Le chercheur canadien Ziad Saghir, de l'Université Ryerson, étudie la thermodiffusion dans les mélanges liquides depuis quinze ans. Il poursuit maintenant ses travaux beaucoup plus loin. Ils ont obtenu en fait leur place à bord de la Station spatiale internationale (SSI).
Ziad Saghir fait partie d'un groupe de chercheurs russes et européens qui composent l'équipe responsable de l'expérience SODI-IVIDIL. Les travaux de ce groupe sont coordonnés par le professeur V. Shevtsova, du Centre de recherche sur la microgravité (CRM) de l'Université Libre de Bruxelles (ULB). L'équipe belge (CRM de l'ULB) est chargée de l'élaboration et de la mise en œuvre de l'expérience, tandis que le soutien numérique et théorique est assuré par l'ensemble des participants (le CRM en Belgique, l'Université Ryerson, au Canada, et l'équipe de Perm, en Russie). L'idée initiale derrière ces travaux de recherche émane d'un concours lancé à l'échelle internationale. Suite à ce concours, l'Agence spatiale européenne a mis au point le matériel nécessaire à la réalisation de l'expérience à bord de la SSI.
L'équipe de chercheurs internationaux s'est tournée vers la SSI en raison de l'environnement tout à fait unique qui y règne : la microgravité. Sur Terre, les molécules soumises à la gravité ont un poids, et parce que les molécules n'ont pas toutes le même poids, il se produit un phénomène de convection induite par la poussée hydrostatique qui déplace les molécules et perturbe la diffusion. En outre, plus un mélange contient de liquides, plus il est instable. Ainsi, pour bien comprendre la diffusion thermique, il est essentiel de l'isoler, de sorte qu'elle soit la seule force agissant sur le mouvement des molécules que contient un liquide. Il faut donc éliminer le facteur de la gravité.
C'est exactement ce que vise l'expérience SODI-IVIDIL.
Élaboré par la société Verhaert Space NV (de Kruibeke, en Belgique), l'instrument de diagnostic optique réglable SODI permet d'étudier l'incidence des vibrations sur la thermodiffusion. L'instrument IVIDIL, pour sa part, est un excitateur sur lequel on place un échantillon de liquide. Pendant l'expérience, au fur et à mesure que l'on modifiera l'amplitude (la puissance) et la fréquence des vibrations, l'instrument SODI recueillera des données sur la température du mélange, son gradient de concentration et la progression temporelle de la diffusion.
Les automobilistes reconnaîtront certainement la valeur de cette expérience puisque M. Saghir souhaite appliquer les résultats de ces travaux à l'amélioration des techniques utilisées par l'industrie pétrolière. Plus précisément, on retrouve dans les gisements de pétrole plusieurs composantes d'hydrocarbures de poids moléculaires différents. En raison de l'effet de Soret, les échantillons d'hydrocarbures peuvent différer d'un endroit à l'autre, à l'intérieur d'un même gisement. Les composantes les plus lourdes remontent à la surface, tandis que les plus légères sont attirées vers le bas.
S'appuyant sur des travaux antérieurs, l'équipe scientifique a mis au point des simulations numériques afin de mieux comprendre le comportement des hydrocarbures dans un gisement donné. L'expérience SODI-IVIDIL leur permettra de confirmer et de préciser les paramètres de leurs modèles et, du coup, d'améliorer les prédictions quant aux gisements que l'on envisage d'exploiter.
L'astronaute canadien Robert Thirsk, aidé de son collègue belge Frank DeWinne, a installé les instruments SODI et IVIDIL et réalisé l'expérience dans le cadre de la mission Expedition 20/21, dont le lancement a eu lieu en mai 2009. Le Dr Thirsk a remplacé également l'élément IVIDIL de l'expérience SODI-IVIDIL par une autre expérience canadienne, c'est-à-dire l'expérience DSC (Mesure des coefficients de diffusion et Soret), ayant pour but d'examiner, dans le temps et en microgravité, le phénomène de diffusion dans six liquides différents.
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