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Le projet SWARM

Le Canada continue d'être à l'avant-garde du développement de solutions pratiques pour l'exploration spatiale « sur le terrain ».

Saviez-vous que le Canada a une histoire impressionnante de réalisations dans la mise au point de technologies qui permettent d'être en contact direct avec la surface lunaire? Dans les années , la société canadienne Héroux (aujourd'hui Héroux-Devtek) a fabriqué le train d'atterrissage utilisé lors des missions Apollo sur la Lune. Plus récemment, l'Agence spatiale canadienne a collaboré avec Canadensys Aerospace Corp. (en anglais seulement) dans le cadre du projet SWARM (pour scalable wheels and advanced rover motion, c'est-à-dire « roues adaptables et déplacement perfectionné de rover ») financé au titre du Programme de développement des technologies spatiales (PDTS). L'objectif? Concevoir un prototype de roue spéciale capable de résister aux rigueurs de la surface de la Lune et d'autres corps célestes, et permettre aux robots mobiles de se déplacer plus longtemps et plus loin.

L'une des plus grandes responsabilités de l'Agence est de veiller à ce que les équipements et les technologies utilisées pour explorer l'espace soient efficaces et fiables. Les essais rigoureux effectués ici sur Terre doivent simuler les conditions d'exploration spatiale, ce qui peut être difficile à réaliser. Les conditions sur la Lune et d'autres corps célestes sont très différentes de celles qui règnent sur la Terre : elles peuvent changer très vite et dans certains cas, elles sont totalement inconnues.

Le projet SWARM vise à « aller de l'avant » avec ingéniosité, inventivité et persévérance devant ces multiples défis. Ce projet a donné aux scientifiques et aux ingénieurs canadiens l'occasion de mettre au point une technologie de transport qui sera également utile ici sur Terre pour circuler hors route et traverser des terrains difficiles. Une fois de plus, le Canada a joué un rôle essentiel dans la conception de solutions pratiques destinées à l'exploration de la surface de la Lune et d'autres corps célestes.

« Les robots mobiles doivent être mobiles. »

David Gingras, ingénieur en robotique.

L'un des principaux enseignements tirés de l'expérience du Canada en matière de technologie de rover depuis le début des années est le suivant : il faut une roue de conception souple qui permet de manière fiable les déplacements dans différents environnements. Sur Terre, la majorité des véhicules utilisent des pneus en caoutchouc pour se déplacer, quel que soit le terrain. Le caoutchouc offre une excellente traction et peut adapter sa géométrie (souplesse) quand les roues passent sur des obstacles. Malheureusement, le caoutchouc n'est pas fiable sur les autres planètes. Dans le froid extrême, il devient cassant et se brise, et dans le vide, les particules de caoutchouc peuvent se transformer en gaz et s'évaporer. Les pneus en caoutchouc sont aussi généralement gonflés à l'air et s'ils fuient en l'absence d'une atmosphère pressurisée, ils ne peuvent pas être regonflés.

Quand on ne peut pas utiliser un pneu en caoutchouc, on doit aussi repenser toute la conception du rover. Ces véhicules doivent être conçus comme un système global : pour obtenir la mobilité nécessaire, chaque composant doit fonctionner avec tous les autres. »

Peter Visscher, directeur général des installations de Stratford, Canadensys.

Comment peut-on alors reproduire les propriétés mécaniques d'une roue en caoutchouc dans l'espace? Afin de répondre à cette question, l'Agence a demandé à l'entreprise ontarienne Canadensys Aerospace de concevoir, mettre au point et tester des prototypes de roue adaptable pour un grand rover lunaire pressurisé (RLP) (6000 kg) pour équipage et un rover scientifique précurseur à l'équipage (RSPE), plus petit (500 kg), qui pourraient un jour servir à des missions d'exploration habitée. Ces roues devaient être légères et demeurer fonctionnelles sur 2000 km (RLP) et 600 km (RSPE).

Canadensys a proposé plusieurs concepts de roue pour les deux configurations de rover. L'étape suivante a consisté à construire et à tester des prototypes ainsi qu'à établir des feuilles de route technologiques et développer d'autres intrants nécessaires à la planification des futurs programmes de l'Agence.

« Réinventer la roue »

L'environnement lunaire peut être très hostile. Les températures passent d'environ -200 °C (où le caoutchouc est fragile comme le verre) à 130 °C (où le caoutchouc se dégrade rapidement). La surface lunaire est aussi recouverte d'une couche de poussière fine très abrasive qui endommage les pièces mobiles des mécanismes. Le prototype de roue du projet SWARM a relevé ces défis en empruntant des éléments de conception à plusieurs générations de prototypes de roue de rover lunaire de l'Agence. Le prototype de roue pour le PRSSE du projet SWARM est constitué de 20 plaques de traction en contact avec le sol, chacune d'entre elles étant située près d'une paire de ressorts à lames et d'une paire de câbles de tension. La grande roue du RLP – 90 cm de diamètre – est faite pareille en grande partie, mais compte de 30 à 35 plaques de traction au lieu de 20.

Séquence de photos montrant la grande roue subissant des essais de choc à grande vitesse. (Source : Canadensys.)

Les tests du projet SWARM

Des essais de durabilité approfondis et rigoureux ont été un élément essentiel du projet SWARM. Il fallait que les roues soient efficaces et fiables, et qu'elles permettent aux rovers de se déplacer librement et facilement. Canadensys a évalué la traction et la rigidité des roues, et effectué des essais initiaux sous vide thermique. Les roues ont été chargées pour simuler leur capacité et testées dans un laboratoire de terrain analogue poussiéreux, où étaient reproduites les conditions de la surface de la Lune avec du faux régolite (sol) lunaire. La roue a dû ensuite faire l'objet de tests dynamiques dans un caisson sous vide thermique pouvant reproduire les conditions de vide de l'espace et faire chuter la température jusqu'à -230 °C.

Le banc d'essai de durabilité à la poussière. Les roues sont fixées à un groupe motopropulseur de rover qui les fait tourner pendant que le banc d'essai circulaire pivote autour de son axe. Cette photo a été prise avant l'ajout de la poussière. Le banc d'essai n'a plus jamais été aussi propre! (Source : Canadensys.)

Vue rapprochée d'une paire de roues fixées à un groupe motopropulseur de rover. De la poussière lunaire artificielle a été ajoutée à la table tournante, et les roues ont fait leurs premières traces. (Source : Canadensys.)

Grande roue du projet SWARM pendant un essai de durabilité de 2000 km dans des conditions poussiéreuses. (Source : Canadensys.)

Une fois la conception modifiée en fonction des premiers essais, les choses sérieuses ont commencé : Canadensys s'est lancée dans des tests parmi les plus longs jamais réalisés sur une roue de ce type. La petite roue du PRSSE a subi un essai de durabilité sur plus de 600 km et la grande roue du RLP, sur 2000 km. L'entreprise a créé un appareil unique consistant en une table tournante de cinq mètres de diamètre où les roues ont été déposées et où elles ont tourné jusqu'à ce qu'elles parcourent l'équivalent de ces distances. Canadensys a aussi intégré d'autres éléments pour simuler la poussière lunaire abrasive et collante et ajouté de petites et grosses pierres semblables à celles d'un terrain lunaire accidenté. Sur cet appareil, les roues ont roulé sans arrêt, tous les jours, pendant huit mois! C'était extrêmement bruyant et quand les roues heurtaient une pierre, le son se répercutait dans toute l'installation.

La petite roue a atteint 600 km (à peu près la distance entre Toronto et Montréal). Quant à la grande roue, elle tournait toujours très bien après 1917 km (à peu près la distance entre Vancouver et Regina), mais le banc d'essai s'est brisé.

Tolérance aux défaillances

Sur la Lune, dont la surface est poussiéreuse et rocheuse, il y a d'anciens volcans, des cratères d'impact et des coulées de lave solidifiées. Les rovers lunaires doivent être capables de se déplacer sur des surfaces très molles (comme une plage de sable) ou encore très accidentées et rocheuses (comme le lit d'une rivière asséchée). Par ailleurs, des régions encore inexplorées sur la Lune sont toujours dans l'ombre et pourraient contenir une plus grande quantité d'eau qu'ailleurs, ce qui pourrait influer sur les propriétés du sol. Compte tenu de ces obstacles connus et inconnus, il est inévitable que les véhicules subissent des dommages. Sur Terre, quand on a une crevaison, on arrête tout et on fait la réparation. Impossible de faire ça sur la Lune. Les roues des rovers doivent pouvoir subir certains bris sans cesser de fonctionner. En d'autres termes, elles doivent être tolérantes aux défaillances.

« Si quelque chose se casse sur la Lune, il faut toujours que les roues continuent de fonctionner. »

Peter Visscher

Heureusement, par sa conception, la roue en métal du projet SWARM est très résistante : même si des éléments se cassent, la roue entière n'est pas affaiblie et fonctionne toujours.

Importance du projet SWARM dans le rôle du Canada dans l'exploration spatiale

La roue du projet SWARM sera déterminante pour assurer au Canada un rôle de premier plan dans les futures missions d'exploration spatiale. Tout comme le train d'atterrissage lunaire mis au point par Héroux dans les , la roue du projet SWARM offre une technologie spécialisée et unique qui sera en contact direct avec la surface de la Lune et d'autres corps célestes.

Notre expérience dans la mise au point des roues du projet SWARM a aussi permis à un groupe d'ingénieurs canadiens d'acquérir un savoir-faire considérable dans la conception, la fabrication, la mise à l'essai et l'adaptation de technologies innovantes et essentielles.

Regard vers l'avenir : comment le projet SWARM peut-il nous être utile ici sur Terre?

Nul doute que, sur Terre, le caoutchouc restera le choix privilégié pour les roues, mais la roue du projet SWARM offre toutefois des avantages uniques en terrain accidenté. Canadensys a mis à profit l'expérience acquise dans le cadre du projet SWARM pour concevoir d'autres roues destinées à des véhicules terrestres qui nécessitent une grande traction dans des conditions changeantes. Elle a aussi mis au point le gros véhicule HAWC prévu pour les terrains avec de grandes inégalités de relief et qui peut être utilisé avec ou sans équipage.

Dans l'avenir, il faudra absolument que les technologies existantes puissent s'adapter aux variations de température et aux catastrophes naturelles (p. ex. inondations, ouragans, feux de forêt). Le projet SWARM nous aide justement à mieux comprendre comment mettre au point des véhicules capables de relever ce type de défis.

« Les méthodes techniques que nous avons développées dans le cadre de notre contrat avec l'Agence se sont révélées pertinentes pour répondre aux besoins de diverses industries sur Terre. Nous faisons appel à la même équipe qui a travaillé sur la roue du projet SWARM pour mettre au point des roues à grande traction pour une utilisation hors route, comme pour les industries minière, forestière et militaire. »

Peter Visscher

Selon Peter Visscher, « le projet SWARM nous a appris à faire preuve d'imagination pour trouver des solutions innovantes et uniques aux conditions extrêmes sur le terrain, tant dans l'espace que sur Terre ».

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