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Les trous noirs expliqués par Sarah Gallagher

Description

Publiée le 4 février, 2022

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Les trous noirs expliqués par Sarah Gallagher

2022-02-04 – Un trou noir est créé après la mort d'une étoile très massive. Dans cette vidéo, Sarah Gallagher, astrophysicienne et conseillère scientifique de la présidente de l’Agence spatiale canadienne, explique ce que sont les trous noirs. (Source : Agence spatiale canadienne.)

Transcription

Sara Gallagher : Bonjour tout le monde. Je suis vraiment heureuse d’être ici aujourd’hui pour parler des trous noirs. 

Je vous parlerai d’abord des trous noirs supermassifs. Je les appelle en anglais les plus gros « blowhards » de l’Univers. Autrement dit, des trous noirs qui font les importants, qui font du vent. Je pense que ma traduction est correcte… Vous me le ferez savoir. Je vais donc vous en parler un peu.

Alors, qu’est-ce qu’un trou noir? Vous avez probablement déjà vu des images de ce genre. Ce sont des dessins d’artistes qui montrent à quoi ils ressembleraient. Bien sûr, c’est noir et ça agit bizarrement sur l’espace-temps, mais ce sont des images dessinées par des artistes. Et quand je décris les trous noirs — quand je les définis —, il est plus facile de penser à la manière de leur échapper et de parler de la vitesse de libération. 

Différents objets existent dans l’Univers. À l’Agence spatiale où on travaille, on connaît bien les fusées qui s’arrachent de la force gravitationnelle terrestre. Pour s’échapper, elles doivent se déplacer à une vitesse de 11 km/s, verticalement depuis la surface de la Terre.

Si notre planète était plus grosse, comme Jupiter par exemple, on devrait aller beaucoup plus vite pour échapper à sa gravité, à une soixantaine de kilomètres par seconde. Pour échapper à l’attraction gravitationnelle du Soleil, il faudrait aller encore 10 fois plus vite, à 620 km/s.

Mais la vitesse de libération d’un trou noir… La vitesse nécessaire pour s’échapper d’un trou noir correspond à la vitesse de la lumière, soit 300 000 km/s. Rien ne peut aller plus vite que la vitesse de la lumière. Donc, une fois qu’on a franchi ce seuil, une fois qu’on a affaire à un objet aussi massif, dont la gravité est si intense qu’il faudrait voyager plus vite que la vitesse de la lumière pour y échapper, on a un trou noir. Parce que rien ne peut voyager plus vite que la vitesse de la lumière.

D’une certaine manière, les trous noirs sont donc extrêmement exotiques, mais ils sont aussi vraiment très simples. On peut les considérer, en quelque sorte, comme s’ils étaient chauves. On peut les décrire avec seulement trois nombres. C’est ce qu’on appelle, en physique, le théorème de calvitie. S’ils sont chauves comme un œuf, c’est qu’ils n’ont pas de caractéristiques distinctives. Prenez la Terre, par exemple. Pensez à la quantité d’informations que vous devriez mentionner si vous vouliez décrire la Terre. Il faudrait parler de sa masse et de sa forme – elle n’est même pas sphérique. Il faudrait parler de la quantité d’eau présente et où elle se trouve, des nuages et de toutes ces choses compliquées qui permettent de décrire la Terre. Mais trois nombres suffisent pour décrire un trou noir de manière complète et unique : sa masse, sa vitesse de rotation et sa charge électrique.

Et en fait, deux nombres surtout peuvent servir à décrire les trous noirs qui existent dans l’Univers : la masse et la vitesse de rotation. Parce qu’un corps réel chargé dans l’Univers attirera normalement des charges opposées et deviendra neutre. Donc, deux nombres peuvent servir à décrire complètement un trou noir. Juste deux. C’est tout ce dont on a besoin. Donc, dans un certain sens, ce sont de beaux objets simples, même s’ils sont très exotiques par rapport à ce à quoi on est habitué.

On me demande souvent : « Qu’est-ce qui se passerait si on tombait dans un trou noir? » C’est d’ailleurs ce que la caissière m’a demandé ce matin quand je suis allé me chercher un café. Qu’est-ce qui se passe quand on tombe dans un trou noir? Je réponds généralement : « Je ne sais pas. On verrait peut-être des fées et des lutins. » On ne sait absolument rien sur ce qui arrive quand on tombe dans un trou noir. Cette partie de l’Univers nous est inaccessible. En effet, on observe l’Univers, on communique les uns avec les autres grâce à la lumière, et la lumière ne peut pas s’échapper d’un trou noir. C’est pourquoi on ne sait absolument rien sur ce qui se passe si on franchit l’horizon d’un trou noir. On l’appelle « l’horizon des évènements » parce qu’on ne peut pas voir ce qui se passe au-delà. On sait qu’un trou noir peut grossir : quand quelque chose y tombe, sa masse augmente. On sait que sa rotation peut accélérer et donc qu’un trou noir peut changer. Mais à part ça, on ne sait pas ce qui arrive à un objet qui franchit ce seuil, et on ne sait pas non plus ce qu’il deviendra. Les propriétés de tout objet qui tombe dans un trou noir, les éléments dont il est composé, sa forme — carrée ou ronde —, tous ces renseignements nous deviennent inaccessibles une fois que l’objet a traversé l’horizon des évènements. Les trous noirs sont des objets très exotiques.

Pour se faire une idée de la densité d’un objet pour que ce soit un trou noir, prenons quelque chose comme la Terre qui, de notre point de vue, est un corps vraiment très grand. Si on voulait que la Terre devienne un trou noir, il faudrait comprimer toute sa masse jusqu’à ce que la Terre ait la taille d’un carré de sucre. Donc, pour transformer la Terre en un trou noir, il faudrait la comprimer jusqu’à ce qu’elle atteigne la taille d’un morceau de sucre. La Terre aurait toujours la même masse et même la rotation, mais elle serait de la taille d’un morceau de sucre.

Mais la Terre ne va pas se transformer en un trou noir. On a bien des soucis, mais pas celui-là. Mais qu’en est-il du Soleil? Et si le Soleil se transformait en un trou noir? Prenons donc maintenant un objet de la taille du Soleil et comprimons-le pour former un trou noir. Le Soleil aurait alors un rayon d’environ trois kilomètres. Si on trace un cercle d’un rayon de trois kilomètres sur une carte du lieu où on se trouve en ce moment — voilà, c’est l’Agence spatiale canadienne — ce cercle bleu représente la taille du trou noir, de l’horizon des évènements du trou noir si on comprime le Soleil pour en faire un trou noir. Le Soleil serait très, très petit par rapport à sa taille actuelle… ça nous donne une idée de ce qui se passerait.

Maintenant, qu’est-ce qui nous arriverait si le Soleil était comprimé pour devenir un trou noir? On me pose souvent cette question. Dans les films, par exemple, la façon dont les trous noirs y sont représentés, on peut penser que, dès qu’un objet se transforme en un trou noir, il commence automatiquement à tout aspirer. Mais ce n’est pas réellement ce qui se passerait. Si le Soleil se transformait en un trou noir demain — ce qui, encore une fois, ne doit inquiéter personne —, mais imaginons tout de même la situation, qu’est-ce qui arriverait à la Terre? Évidemment, il ferait sombre et froid, et ce ne serait rien de bon pour notre avenir. Plus de problème de changement climatique, c’est certain, en tout cas, de réchauffement planétaire, mais la Terre suivrait toujours la même orbite autour du Soleil.

Voici une image du Système solaire avec le Soleil comme trou noir. On peut voir… Je ne sais pas quelle est la source de lumière ici, mais on peut voir que l’orbite des planètes resterait la même. En effet, on est assez éloignés du Soleil pour que notre orbite, celle de la Terre, ne soit pas modifiée si demain le Soleil se transformait en un trou noir.

Le point à retenir de tout cela, c’est que les trous noirs n’aspirent pas tout… et sont tout sauf ennuyants. Objectivement, ils sont super intéressants… ils n’aspirent pas tout ce qui les entoure. En général, quand on… tant qu’on se trouve assez loin. 

Donc, la question suivante est… Je vous ai parlé de la nature des trous noirs, et la question suivante est… Eh bien! Les trous noirs n’émettent pas de lumière — on sait que les trous noirs eux-mêmes sont invisibles — alors comment les trouver? J’ai besoin d’un volontaire. J’ai besoin d’une étoile. Qui souhaite devenir une étoile? Ça ne fera pas mal, je le promets. Allez! Venez me rejoindre! Formidable! Bon. Alors, comment trouve-t-on un trou noir? Ravi de vous rencontrer, monsieur L’Étoile. Vous êtes une étoile… une super-étoile. Bon. Pouvez-vous mettre ceci sur votre tête? Excellent. Venez par ici.

Bon, ce n’est pas évident, je sais, mais je suis un trou noir et vous ne pouvez pas me voir. Je suis complètement invisible. Ceci est notre étoile. Comment vous appelez-vous?

Syd : Je m’appelle Syd.

Sarah Gallagher : Syd! Syd est notre étoile. Très bien, Syd. Je suis donc un trou noir. Il est une étoile. Nous allons nous tenir par la main. Maintenant, suivez une orbite autour de moi. Bon. Je suis invisible. Vous ne pouvez pas me voir, n’est-ce pas? Pouvez-vous voir Syd se déplacer? Oui.
 

Syd : C’est amusant.

Sarah Gallagher : Je ne veux pas que vous ayez le tournis. Merci beaucoup, Syd. Merci à Syd d’avoir été une étoile fantastique.

[Applaudissements]

Sarah Gallagher : Merci.

C’est comme ça qu’on trouve un trou noir. On ne trouve pas le trou noir lui-même. On observe les objets qui l’entourent — comme des étoiles, s’il a une étoile partenaire, ou du gaz et de la poussière en orbite — pour voir l’effet du trou noir sur eux. Le trou noir… sa gravité a un effet sur la zone qui l’entoure, même si on ne peut pas voir le trou noir, et c’est comme ça qu’on le détecte.

Bon, je vous ai promis de parler des trous noirs supermassifs, et je vais tenir parole. Alors, où se trouve le trou noir supermassif le plus près? Est-ce que quelqu’un le sait? Au centre de la galaxie, vous avez parfaitement raison. Un trou noir supermassif se trouve au centre de notre galaxie, la Voie lactée. L’image de droite présente une vue à très grand angle de la Voie lactée. Il est plus facile de la voir dans un endroit sombre, en particulier en été. Allez dans un endroit où il fait très noir et vous pourrez observer la Voie lactée. C’est la galaxie dans laquelle nous vivons. Sur Terre, on la voit la plupart du temps comme elle apparaît sur l’image de droite, mais si on embarquait dans un vaisseau spatial pour survoler notre galaxie (ce qu’on ne peut pas faire actuellement) et l’observer de haut, elle ressemblerait à la galaxie montrée à gauche. Notre galaxie est une galaxie spirale, et nous nous trouvons environ aux deux tiers de la distance entre son centre et le bord du disque. C’est là. J’ai marqué l’endroit sur la carte. Et au centre de notre galaxie, comme au centre de chaque galaxie massive, se trouve un trou noir supermassif. Et ce trou noir, ce trou noir supermassif, c’est le plus connu. La voici sur une carte céleste. Pour des raisons historiques bizarres, notre trou noir supermassif est appelé « Sagittarius A* ». Il s’appelle Sagittarius vu qu’il se trouve dans la constellation du Sagittaire. Le nom est suivi de « A » parce que c’est la première source radio trouvée dans cette constellation, et on a ajouté l’astérisque parce que ce n’est pas vraiment cette source radio, mais celle qui se trouve à côté. C’est pourquoi on y a ajouté un astérisque. Mais c’est là que le trou noir supermassif est situé, au centre de notre galaxie. La constellation du Sagittaire est visible en été. C’est en été qu’on a le meilleur point de vue parce qu’on regarde en direction du centre de notre galaxie.

Voici une animation qui montre comment on a mesuré la masse du trou noir supermassif au centre de notre galaxie. Ce n’est pas… la première animation que vous voyez… Vous avez été gâtés par les magnifiques animations de la Direction des communications de l’Agence. Eux ne pouvaient pas compter sur cette équipe géniale, mais cette animation est vraiment remarquable… puisqu’elle représente une trentaine d’années de travail mené par deux équipes distinctes, une dans l’hémisphère Nord et l’autre l’hémisphère Sud. Ces équipes ont observé toutes les étoiles proches du centre de notre galaxie chaque année, une année après l’autre, pendant des décennies, pour mesurer leur position et leur déplacement. Et à partir des mouvements de toutes ces étoiles individuelles — c’est ce qui est représenté ici —, ces équipes peuvent mesurer très, très précisément la position et la masse du trou noir supermassif au centre de notre galaxie. On peut remarquer qu’il n’y a rien de brillant au centre de notre galaxie. C’est notre trou noir supermassif, on l’aime beaucoup et on le comprend très bien — mieux que tout autre trou noir supermassif dans l’Univers —, mais notre trou noir est en fait assez ennuyeux. En réalité, il ne fait pas grand-chose. Il est juste là. Des étoiles tournent autour. Il rote et pétille de temps en temps, mais il ne fait rien de spectaculaire. Et à comparer d’autres trous noirs supermassifs, il n’est pas fort, fort.

La masse des trous noirs supermassifs peut varier d’environ un million de masses solaires jusqu’à environ 10 milliards de masses solaires. La masse de ce trou noir est d’environ quatre millions de masses solaires. Il est au bas de l’échelle des trous noirs supermassifs, mais même s’il entre tout juste dans cette catégorie, on ne peut pas l’ignorer.

Laissez-moi vous dire où se trouve le très, très gros trou noir le plus proche. Il est dans la galaxie géante Messier 87. La voici. On peut voir immédiatement qu’elle est très différente de la galaxie spirale que je viens de vous montrer. La couleur est différente. La forme est différente. Elle a l’air très, très lisse. C’est une galaxie géante, des milliers de fois plus massive que la nôtre, où se trouve au centre un très, très gros trou noir. Voici la carte céleste des environs de Messier 87. C’est dans la constellation de la Vierge. Cette galaxie fait partie de l’amas de la Vierge, qui regroupe des milliers de galaxies. Ce qui est remarquable, quand on commence à observer des galaxies comme celle-ci, c’est qu’elles semblent plutôt ennuyeuses. On les voit dans la lumière visible, la lumière qu’on peut voir avec les yeux. Mais si on regarde plutôt dans les ondes radio, voici ce qu’on voit. Oh, désolée, c’est dans les rayons X. Ce cliché provient de l’observatoire de rayons X Chandra. C’est un observatoire spatial qui a pris ce cliché de cette galaxie dans les rayons X. Les rayons X montrent la lumière… le gaz. C’est une image du gaz réchauffé à des millions de degrés… On constate que Messier 87 est beaucoup plus intéressante quand on l’observe dans les rayons X que dans la lumière visible. On peut y voir ces formes extraordinaires et un centre très lumineux, un signe qu’il se passe quelque chose d’intéressant au centre. Et puis on peut voir qu’il y a ces espèces de motifs ondulés qui en sortent. C’est de l’énergie qui, en fin de compte, est produite par le trou noir supermassif au centre de cette galaxie. Cette énergie est projetée dans la galaxie à des vitesses folles, ce qui perturbe tout ce gaz chauffé à des millions de degrés. C’est invisible dans la lumière optique parce que les étoiles… ne sont pas dérangées, mais le gaz est perturbé, et on peut voir le gaz avec les images aux rayons X.

L’an dernier, le télescope Event Horizon a capté une image du trou noir supermassif situé au centre de la galaxie Messier 87. Ce n’est pas très fréquent que j’arrive à inclure une image astronomique où il y a un dessin d’xkcd… c’est une bande dessinée formidable sur le Web, si vous ne la connaissez pas déjà. Je suis donc très chanceuse. Et ça, c’est l’image… comme un beigne un peu croche, pas aussi symétrique qu’un vrai bagel montréalais, mais on peut voir le beigne asymétrique ici. C’est une image qui a été prise avec le télescope Event Horizon. Maintenant, juste pour vous donner une idée de l’échelle, je retourne à l’image que je vous ai montrée auparavant. Donc, d’un bout à l’autre, les sections ondulées du jet, c’est-à-dire le gaz qui émet des rayons X et qui est projeté depuis le centre de la galaxie, mesurent environ un million d’années-lumière… quelques millions d’années-lumière de diamètre… Alors, il faut un million d’années pour que la lumière passe d’un bout à l’autre.

Maintenant, par comparaison, voici une image où on peut voir l’orbite de Pluton. Le diamètre de l’orbite de Pluton est de quelques heures-lumière. Pluton n’est pas tout à fait à des heures-lumière de distance, mais la lumière… Enfin, c’est près d’une heure-lumière. Bon, rappelez-vous, la galaxie s’étend sur des millions d’années-lumière, alors que son trou noir juste ici s’étend sur quelques heures-lumière environ. C’est la partie intérieure du trou noir. Le trou noir se trouve au centre. Le trou noir lui-même est invisible, mais cette image est… C’est en réalité une image du gaz, du gaz chaud qui se trouve autour du trou noir. Elle a été captée par le télescope Event Horizon et, à mon avis, c’est l’une des plus belles observations effectuées récemment. Dans le cadre de cette observation, des centaines d’astronomes du monde entier, des informaticiens et des ingénieurs, et beaucoup d’autres hommes et femmes de talent ont utilisé huit télescopes et les ont tous pointés — huit télescopes du monde entier, du Chili, d’Hawaï, d’Europe… huit télescopes du monde entier — ont tous été pointés vers Messier 87 exactement au même moment. À tous ces endroits, le ciel était dégagé en même temps, ce qui n’arrive jamais, et ils ont observé cette galaxie. Puis on a passé des mois et des mois et des mois à colliger toutes les données et à les assembler pour produire cette image extraordinaire. L’image n’est pas si spectaculaire en soi, mais ce qu’elle représente est vraiment… tout d’abord, une belle histoire de collaboration internationale et d’ambition et juste… je veux dire… le projet lui-même est fantastique. Mais aussi, quel défi technique il a fallu surmonter pour obtenir cette image de la partie intérieure de ce trou noir supermassif!

Messier 87 a donc un grand trou noir… supermassif, il n’y a pas de doute : 10 milliards de masses solaires. Mais une très grande masse, ce n’est pas tout. Ce trou noir reste un peu ennuyeux parce qu’en réalité, il ne fait pas grand-chose. Il y a ce jet plutôt intéressant, et il se trouve dans cette immense galaxie, et il y a cette belle image, mais comparé à d’autres trous noirs, il ne fait vraiment pas grand-chose. Laissez-moi vous montrer une autre image.

Voici une autre image où… si on regarde les ondes radio… Les ondes radio sont produites par des électrons qui se déplacent à une vitesse près de celle de la lumière. Les électrons émettent des ondes radio, et c’est ce que… comme la lumière rougeâtre ici. La lumière bleuâtre indique les rayons X, et on peut voir qu’à mesure qu’on ajoute des informations qui proviennent de différents types de télescopes, on obtient une image différente de ce qui se passe. Mais ce n’est toujours pas aussi excitant que le genre de trous noirs que j’étudie.

Parlons-en, puisqu’on y est. Vous pourriez demander : « Comment est-ce qu’un trou noir pourrait grossir? » Il y a plusieurs façons pour un trou noir de grossir. Une de ces façons, c’est que deux trous noirs fusionnent. Il faut une situation particulière pour que ce phénomène puisse se produire.

Et récemment… Maintenant, pensez à ça. On a deux trous noirs, qu’on veut voir fusionner, mais les deux sont invisibles s’il n’y a qu’eux, s’il n’y a aucune étoile autour d’eux. Ils sont tous les deux invisibles. Alors, comment trouver deux trous noirs qui fusionnent? Laissez-moi vous montrer une vidéo qui montre deux trous noirs qui se déplacent ensemble. C’est une simulation par ordinateur. On peut voir les deux trous noirs juste là… Les trous noirs… La surface au-dessous représente la distorsion de l’espace-temps qu’ils produisent. Un trou noir exerce une force gravitationnelle intense et déforme l’espace-temps autour de lui. Les trous noirs, s’ils sont situés assez près les uns des autres, vont fusionner grâce à un processus appelé « rayonnement gravitationnel », et c’est ce que montre cette vidéo. On peut voir que ces trous noirs s’approchent de plus en plus l’un de l’autre. À mesure qu’ils se rapprochent, voyez ce qu’ils font à l’espace-temps qui les entoure. Le temps ralentit ici, et on peut voir que ce qu’ils font… c’est ce qu’on appelle l’intérieur de la spirale, ce dernier moment où ils s’unissent… ils perturbent le continuum espace-temps si intensément qu’ils envoient dans le reste de l’Univers une onde d’énergie… qui emporte l’énergie au loin. On commence par deux trous noirs, et quand ils fusionnent, la masse obtenue est un peu moins importante que la somme des deux masses… parce qu’une partie de cette masse est convertie en énergie, qui est propagée dans l’Univers.

Et ce qui est vraiment étonnant, c’est qu’on peut réellement mesurer ces ondulations dans l’espace-temps. C’est en effet le résultat de l’expérience appelée « LIGO », l’abréviation anglaise de l’Observatoire d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser, qui mesure bel et bien les ondulations dans l’espace-temps produites quand deux trous noirs fusionnent. Il consiste en deux bras longs de quatre kilomètres chacun. Depuis le centre, un rayon laser est émis dans chaque bras, et il mesure la distance le long de ces bras avec une précision extraordinaire. Si une ondulation de l’espace-temps traverse l’observatoire, ces distances changeront d’une manière caractéristique d’une fraction du rayon d’un proton, une quantité infinitésimale. C’est la deuxième observation formidable que je préfère parce qu’elle est si difficile à faire… et ils l’ont fait de superbe façon. Et si on voit une ondulation caractéristique dans la distance qui se trouve entre ces deux bras, c’est qu’une onde gravitationnelle a traversé toute la Terre et qu’elle a été mesurée par ces deux observatoires. Et c’est ce qui s’est passé avec… et cet observatoire a déjà mesuré quelques ondes. Les graphiques du bas montrent les mesures de l’ondulation dans l’espace-temps entre ces deux bras différents… et la façon dont… on peut voir qu’elle commence comme une sorte d’ondulation lente qui devient ensuite plus rapide et plus importante. C’est d’ailleurs une ondulation très caractéristique qui permet de connaître la masse des trous noirs qui ont fusionné, la distance à laquelle ils se trouvaient et ce qu’on obtient à la fin.

Je vais vous faire entendre le son de cette ondulation, parce que… ça donne une meilleure idée, je pense, de ce que c’est. Et on les appelle… « pépiement », et c’est simplement une représentation sonore de cette ondulation, pour qu’on puisse entendre ce que c’est. Je vais vous le faire entendre. C’est ça, le pépiement. Je vais le faire entendre encore, j’adore ça. Et donc, ce que c’est… On peut entendre que c’est… c’est un son grave… c’est d’abord un son grave et faible, qui devient plus aigu et plus fort. C’est le modèle caractéristique de deux trous noirs qui fusionnent… c’est ainsi qu’on trouve des trous noirs qui fusionnent. Alors voilà, deux trous noirs qui fusionnent, c’est une façon d’obtenir un gros trou noir.

Mais il y a une autre façon pour les trous noirs de grossir, et c’est celle que je préfère… et c’est s’il y a un trou noir au centre d’une galaxie. Le trou noir est invisible, mais si du gaz se trouve dans son voisinage, ce gaz peut être tout simplement attiré. Si le gaz se trouve dans un disque dense, il peut être attiré dans le trou noir. À mesure qu’il est attiré dans le trou noir, il devient de plus en plus chaud. Il émet de la lumière. La lumière emporte de l’énergie au loin, ce qui permet au gaz de tomber dans le trou noir.

C’est ce qu’on appelle un quasar. Un quasar est un trou noir qui grossit très rapidement. On n’en voit pas dans les galaxies proches. Il faut regarder très loin pour voir les quasars parce c’est à cette époque que les grands trous noirs des galaxies se sont développés, quand l’Univers était beaucoup plus jeune. Il faut donc regarder plus loin, ce qui est comme un retour dans le temps, pour voir ces trous noirs se développer.

Ce qui est remarquable avec un quasar, c’est que le disque d’accrétion est de quelques… disons d’une année-lumière de diamètre. C’est essentiellement la taille du Système solaire, avec tous les corps célestes importants en périphérie. Mais la lumière produite par un quasar peut être mille fois plus brillante que celle des milliers de milliards d’étoiles d’une galaxie. Imaginez! C’est quelque chose de la taille du Système solaire. Il a un trou noir supermassif, disons d’un milliard de masses solaires, et il est mille fois plus lumineux que les milliers de milliards d’étoiles d’une galaxie. Ces objets dans l’Univers sont étonnants et fascinants. Et une chose qu’ils font, et c’est ce sur quoi portent mes recherches, c’est qu’ils peuvent souffler des vents très, très, très forts. Cette lumière est si puissante… Comme je l’ai expliqué, elle se trouve dans le disque d’accrétion du gaz qui tombe, le gaz qui doit émettre de la lumière pour perdre son énergie afin de pouvoir tomber dans le trou noir qui, lui, pourra grossir. La lumière produite est si puissante qu’elle peut créer des vents très, très forts.

J’ai déjà dit que les trous noirs n’aspirent pas et, dans ce cas, c’est plutôt de la matière qui tombe dans le trou noir. Seule la matière qui en est assez proche subira l’effet cette intense gravité du trou noir, qui lui permet de tomber dedans. Mais j’aime à penser que des trous noirs comme celui-ci, c’est un peu comme le Cookie Monster de Sesame Street. Tout le monde connaît le Cookie Monster? Oui? O.K. Sinon, venez me voir plus tard, je vous expliquerai, parce qu’il est très important. Bon. Alors, je pense que les trous noirs sont un peu comme le Cookie Monster. Tout d’abord, il y a le Cookie Monster. Vous savez que le Cookie Monster ADORE les biscuits, n’est-ce pas? Et on peut voir qu’une sorte de trou noir se trouve juste là où tous les biscuits disparaissent. Mais le Cookie Monster mange comme un cochon. Il dévore des biscuits, mais il fait tomber autour de lui probablement autant de morceaux de biscuits qu’il en avale. Et les trous noirs sont un peu comme ça aussi. Quand un trou noir grossit activement et qu’il émet de la lumière à profusion, tout ce qui s’approche du trou noir ne se retrouve pas nécessairement dedans. Tout ne finit pas par tomber dans le trou noir. Une partie s’éparpille dans l’espace.

Et c’est le même genre de phénomène qui est derrière l’idée d’une voile solaire. Si on a une voile solaire… je suppose que vous en avez entendu parler comme d’un moyen de voyager vers d’autres systèmes planétaires… On aurait une surface qui capterait la lumière, qui capterait la quantité de mouvement de la lumière du Soleil, et l’effet de cette lumière est très puissant. Elle possède une grande quantité de mouvement. Elle peut pousser sur une voile solaire, la faire s’accélérer, aller plus vite. Et c’est exactement comme ça que les quasars venteux fonctionnent aussi. La lumière est si intense qu’elle peut souffler des vents très, très forts, et c’est… C’est le type d’objets que j’étudie dans le cadre de mes recherches. Ces vents sont vraiment formidables parce que, d’abord, ils transportent une énorme quantité d’énergie. Ils peuvent atteindre des vitesses de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres par seconde. C’est vraiment très rapide, il n’y a pas de doute. Ces vents peuvent donc transporter une énorme quantité d’énergie loin du trou noir. On a donc de la matière qui tombe dans un trou noir, elle en augmente la masse et le fait tourner de plus en plus vite, mais de la matière est aussi projetée dans l’espace à très grande vitesse avec une énorme quantité d’énergie. On pense que ces vents contiendraient tellement d’énergie qu’ils pourraient dépouiller une galaxie de toute sa matière.

Bon, maintenant… notre galaxie, la Voie lactée, crée actuellement de nouvelles étoiles. Elle a du gaz et de la poussière. Elle crée de nouvelles étoiles. Il y a certaines choses… Si on sort en hiver et qu’on regarde l’épée d’Orion, on peut voir une étoile rouge qui est en fait une pouponnière d’étoiles, où naissent de nouvelles étoiles dans notre galaxie. Les galaxies qui produisent encore des étoiles ressemblent généralement à des galaxies spirales.

Mais si on a un trou noir en croissance au centre d’une galaxie qui produit des étoiles et que ce trou noir s’active vraiment et qu’il souffle des vents très, très forts, ces vents peuvent avoir assez d’énergie pour balayer tout le gaz de la galaxie et mettre fin complètement à la formation d’étoiles dans cette galaxie. Si on cherche dans l’Univers, on trouve des galaxies semblables, où il ne passe rien. Tout à l’heure, je vous en ai montré une : la galaxie Messier 87. Il se peut donc, quand on a un trou noir en pleine croissance qui produit des vents très, très forts, que quelque chose qui ressemble à une belle galaxie spirale soit dépouillé de tout son gaz et sa poussière, et que la formation d’étoiles soit donc stoppée. On se retrouve alors avec quelque chose qui ressemble à l’image de droite : une vieille galaxie rouge, morte, comme Messier 87, où se trouve le trou noir supermassif observé grâce au télescope Event Horizon.

Même s’ils sont très petits, minuscules même, les trous noirs peuvent avoir un effet majeur. Souvenez-vous, disons… un trou noir de la taille d’une année-lumière est au cœur d’une galaxie qui s’étire sur plus d’un million d’années-lumière, pourtant ce corps céleste relativement petit peut produire assez d’énergie pour modifier beaucoup la grande galaxie où il se trouve. C’est pourquoi je pense que c’est si intéressant et passionnant d’étudier ces trous noirs venteux.

Alors, pour terminer, petite récapitulation… j’ai commencé par la nature des trous noirs et la façon dont on peut y réfléchir… j’ai dit ensuite qu’on les trouvait partout dans l’Univers – dans le voisinage de notre galaxie, mais plus loin aussi –, et parlé des effets qu’ils peuvent avoir sur les immenses environnements où ils se trouvent et de leur possible impact majeur sur les galaxies.

J’aimerais vous remercier chaleureusement. Assez soufflé pour aujourd’hui. Alors, voilà. Merci beaucoup de m’avoir accordé de votre temps.

[Applaudissements]

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