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Cakapis (Petit-Esprit ou Petit-Garçon-sur-la-Lune)

Texte de Wilfred Buck, chercheur et gardien du savoir traditionnel, Nation crie d'Opaskwayak

Cakapis, de l'artiste Mistawasis Buck, Nation crie d'Opaskwayak (Source : Mistawasis Buck.)

On raconte que, kayas-ago (il y a bien longtemps), une famille tenta de se frayer un chemin à travers un puissant blizzard, glacial. En détresse, ils devaient se rendre dans un plus gros camp pour obtenir de l'aide.

À un moment donné, désorientés, ils se perdirent dans l'effroyable tempête.

La tempête fit rage pendant des jours, et la famille ne cessa de perdre des forces.

La tempête se calma enfin, mais seul un petit garçon de la famille avait survécu. Tous ses proches avaient péri dans la tempête en essayant le plus possible de le garder chaud.

Il était assis là, seul, dans la vaste prairie, à côté de ses parents qui avaient péri.

À un moment donné, des voyageurs trouvèrent le garçon et l'emmenèrent au camp le plus proche, où il fut nourri, habillé et réconforté le mieux possible… mais le petit garçon était malade de chagrin.

Le conseil se réunit et prit une décision sur l'endroit où irait le petit garçon : une famille sans fils pourrait l'accueillir.

Il se trouve que, dans ce camp particulier, une famille sans fils se manifesta pour faire savoir qu'elle serait heureuse d'accueillir le petit garçon dans son camp familial. Le petit garçon alla donc vivre dans cette famille.

À l'arrivée de l'hiver et de la froidure, le grand camp se divisa en plus petites unités familiales.

Le petit garçon et sa nouvelle famille partirent pour leur camp d'hiver.

Une fois le voyage commencé, l'attitude de la famille envers leur nouveau petit protégé commença à changer.

La famille se mit à traiter le petit garçon avec indifférence, même avec cruauté. Il se vit confier des tâches que personne d'autre ne voulait faire, auxquelles furent ajoutées des tâches que d'autres faisaient avant son arrivée. Il était toujours en train de travailler.

En même temps, il remarqua que la famille ne voulait rien savoir de lui. Une petite tente en lambeaux fut montée pour que le garçon puisse y dormir la nuit. C'est ainsi qu'il fut rejeté de l'abri principal.

Le petit garçon devait faire tout ce qu'on lui demandait et n'avait en retour que peu à manger et des haillons pour s'habiller et se réchauffer.

Ainsi, le petit garçon eut froid, il eut faim et il eut peur; il se sentit seul, fatigué, triste, indésirable et perdu.

L'hiver perdurait et le petit garçon ne cessait de perdre des forces…

Une nuit où le vent soufflait, il fut réveillé et sommé de sortir de sa petite tente pour aller chercher de l'eau pour la famille. Il devait se rendre à la rivière et rouvrir le trou qu'il avait fait plus tôt dans la glace pour aller chercher deux seaux d'eau. Il partit donc dans la nuit venteuse.

Au moment où la corvée du petit garçon était presque terminée, la tempête s'arrêta de souffler et la pleine lune perça les nuages.

Debout près du trou d'eau, avec ses deux seaux d'eau, le petit garçon fixa Nokoom Tipiskawi Pisim, Grand-mère Lune.

C'est là, debout, qu'une vague de chagrin le submergea et qu'il se mit à pleurer.

C'est là, les yeux levés vers la pleine lune que toutes ses émotions déferlèrent.

Il dit à Grand-mère Lune combien il avait froid, combien il se sentait seul et combien il avait faim. Il dit à Grand-mère Lune combien il se sentait blessé, effrayé, indésirable et mal aimé. Il lui dit à quel point il se sentait inutile.

Et c'est là, debout avec ses deux seaux d'eau, en pleurs dans une froide nuit d'hiver, que quelque chose de merveilleux se produisit.

En voyant le petit garçon en sanglots, Nokoom Tipiskawi Pisim fut émue par sa sincérité, sa douleur et ses larmes.

Elle décida de faire quelque chose… et c'est ainsi que Nokoom Tipiskawi Pisim éleva le petit garçon dans le ciel et le prit avec elle sur la Lune.

Il serait là à jamais, debout sur la Lune avec ses deux seaux d'eau, le regard posé plus bas sur Nikawiy Aski (la Terre mère), et serait un rappel, pour tous ceux qui lèvent les yeux au ciel, de la façon dont il faut traiter les moins privilégiés.

Ainsi, quand on voit la pleine lune dans le ciel nocturne, c'est un rappel de penser aux plus faibles, aux malades et aux personnes sans défense, et d'être bon avec eux. On doit réconforter ceux qui ont faim, qui sont blessés, qui ont peur, qui sont seuls. On doit s'occuper des sans-abri, des orphelins, des personnes handicapées et des personnes perdues.

Le petit garçon fut nommé Acak Apisis (Petit-Esprit), nom qui fut raccourci depuis en Cakapis.

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